Une générosité qui dérange

Je ne veux laisser planer aucun doute : l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes est un acte que je réprouve profondément. Les atrocités que l’on nous rapporte font froid dans le dos et la masse de réfugiés qui déferlent vers l’ouest doit être accueillie et protégée.

Cette protection et cet accueil de dizaines de milliers de candidats réfugiés en quelques jours révèlent cependant l’institutionnalisation et la normalisation par nos États et leurs représentants d’une version européenne du suprémacisme blanc pour lequel les intellectuels occidentaux fustigent si facilement la droite américaine.

L’Ukraine ne fait pas partie de l’Union Européenne, tout comme la Syrie, l’Afghanistan, le Soudan et de nombreux autres pays qui sont représentés dans la cohorte des dizaines de milliers de réfugiés arrivés sur notre territoire au cours des 20 ou 30 dernières années. Les bombes qui sont larguées sur les villes et villages d’Ukraine sont les mêmes, larguées par les mêmes avions, pilotés par les mêmes pilotes que celles qui tombaient et continuent parfois à tomber en Syrie par exemple.

En 2021 encore, la gouvernance ukrainienne continuait à faire jeu égal avec l’Iran, l’Irak, la Russie et bien d’autres dans bas du classement des pays les plus corrompus au monde.

Jusqu’il y a un mois, accueillir 10.000 réfugiés des guerres lointaines chaque année semblait une chose impensable pour nos gouvernants. Notre incapacité « évidente » à ne pas recueillir toute la misère du monde justifiait l’abandon dans nos rues et aux mains des pires réseaux mafieux d’hommes, de femmes et d’enfants qui faisaient l’objet d’un immonde marchandage entre dirigeants européens. Soyons clairs: pour ces dizaines de milliers là, notre Secrétaire d’Etat à la migration ne bougeait jamais son petit doigt pour une solution. Il pointait son index vers la sortie, volontaire ou forcée.

Je me réjouis de voir nos frontières s’ouvrir pour accueillir maintenant entre 100.000 et 300.000 réfugiés ukrainiens, chez nous, et sans doute pas loin de 5 à 6 millions en Europe. Cela ne fait, finalement que 2 à 3 pour cents de notre population. Je me demande simplement ce qui justifie la différence de traitement envers tous les autres. Alors, je vais sur Google Images et je tape deux recherches presque identiques : « réfugiés XXX fuyants la guerre » en remplaçant XXX par « Ukrainiens » puis par « Syriens ».

Il suffit me semble-t-il de regarder ces deux images, toutes deux pleines de compassion, pour comprendre ce qui semble justifier aux yeux de nombreux européens (et en particulier des leaders d’opinion) la différence de traitement entre les réfugiés des guerres lointaines, et ceux qui sont géographiquement plus proches. La couleur de la peau, la texture des cheveux, les tenues vestimentaires. La peur de l’autre, et n’ayons pas peur de l’écrire, une forme de racisme.

Et autant l’accueil citoyen des réfugiés – avant la crise ukrainienne – était prise en charge de manière organisée, neutre et priorisée par des ONG plaçant les besoins (physiologiques et psychologiques) des migrants au coeur de leurs décisions d’envoyer telle ou telle personne vers telle ou telle structure d’accueil (privée ou publique), autant nous assistons aujourd’hui à une forme de « marché aux réfugiés » dans lequel chacun peut aller choisir sa « famille ukrainienne » en fonction de ses propres critères.

Malheureusement, derrière une immense majorité de gens de bonne volonté (qui parfois ne se rendent pas vraiment compte de ce à quoi elles ou ils s’engagent), il y a aussi une troupe de prédateurs à la recherche de main d’oeuvre bon marché et de femmes et d’enfants disponibles pour les plaisirs les plus pervers des bons européens…

Il faut aussi se rendre compte que – aux yeux des dirigeants russes – la contre-sanction la plus efficace qu’ils puissent mettre en place vis-à-vis de l’Europe est l’envoi massif d’une population qui inévitablement (encore une fois le terme n’est pas péjoratif) va finir par s’installer chez nous. Tout comme pour les autres populations migrantes, si nous restons en mode « assistanat », ces millions de réfugiés qui seront rejoint après la victoire de Poutine par d’autres, pèseront d’un poids immense sur notre économie et notre système social.

Que faut-il faire alors ?

Il me semble qu’il y a deux axes à développer. Le premier est celui de la politique d’accueil. Il est normal que nous recevions plus de réfugiés d’un pays géographiquement proche que de personnes fuyant des contrées plus lointaines. Les migrations suivent toutes ce modèle. Par contre, il est inacceptable de ne pas traiter de la même manière chaque migrant ou réfugié qui arrive chez nous. Même screening pour nous assurer de connaître la population qui intègre notre continent, mêmes exigences vis à vis du respect de nos normes, mêmes réponses en termes d’aide à l’intégration (papiers, logements, travail, sécurité sociale…)

Le second axe est celui du financement de cet accueil. La crise Ukrainienne va forcer nos dirigeants à regarder en face la faiblesse structurelle des mécanismes budgétaires imposés à nos sociétés capitalistes et libérales: le financement par l’endettement. Toute forme de financement par l’endettement ne peut que renforcer les inégalités entre d’une part les classes moyennes et pauvres et d’autre part les quelques pourcents les plus fortunés. Car ce sont les plus fortunés qui prêtent et qui donc augmentent leurs revenus grâce aux rentes de ces dettes d’état. Et ce sont les classes moyennes, soumises à l’impôt sur les revenus du travail, qui financent le remboursement de la dette. Donc, chaque euro de dette supplémentaire enrichit les plus riches et appauvrit les classes laborieuses (moyennes ou pauvres). L’immense besoin de financement de nos économies occidentales ne pourra se réaliser (comme ce fut le cas après les deux guerres mondiales) qu’en allant chercher l’argent où il se trouve. C’est à dire par une fiscalité progressive sur le patrimoine.

Je ne m’étendrai pas ici sur ce dernier point, mais si vous voulez en savoir plus, n’hésitez pas à le demander en commentaires. Je me ferai un plaisir d’écrire un peu là-dessus…

Et si on continuait la conversation…

Que tu aies aimé ou détesté cet article, je t’invite à continuer la conversation. N’hésite pas à ajouter ton commentaire ci-dessous. Et bien sur, n’oublie pas de t’inscrire à la Bobo Newsletter, dans laquelle je promets de ne faire aucune démarche commerciale, juste te tenir au courant des articles publiés sur le blog et des discussions intéressantes en cours. Comme cet article qui explique ma résolution #1 pour 2022…

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