Difficile aujourd’hui de ne pas parler de ces milliers de personnes venues réclamer sous le soleil (eh oui !) bruxellois « la liberté » (voir l’article du Soir pour les détails de cette manifestation)
Mais c’est par Eluard que je voudrais commencer cet article:
Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nomEt par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommerLiberté
Paul Eluard (Poésie et vérité 1942 / Au rendez-vous allemand 1945)
La liberté qui est réclamée ici me semble relever de l’absence de contrainte, la liberté du « vagabond non assujetti à un ordre social » (source Wikiversité, article La liberté). Cette « idée » de la liberté correspond au sentiment de maitriser notre destin, d’être maître de notre propre vie.
Mais cette définition de la liberté ne résiste guère à l’analyse. En effet, elle correspond surtout à ce que l’on pourrait appeler de la licence, à l’abandon au désir.
« l’impulsion du seul appétit est esclavage, et l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté«
Jean-Jacques Rousseau, Le contrat social
Pour aller plus loin dans la réflexion, il faut bien comprendre que confondre liberté et assouvissement des désirs, est une contradiction en soi. Cette forme de liberté est en fait une soumission puisque ce qu’elle réclame, c’est de ne plus accepter les contraintes sociales sur son propre comportement. C’est donc penser pouvoir s’isoler complètement du monde pour pouvoir se livrer à ses propres envies.
J’ai malheureusement un peu l’impression que les manifestants de la liberté qui traversent nos rues sont plutôt des manifestants de l’envie. Leurs demandes se traduisent d’ailleurs clairement par un refus des règles de comportement social que l’environnement social (bien plus qu’un quelconque gouvernement) leur demande de respecter.
Il faut aussi reconnaître la très grande disparité qui caractérise ces manifestations. Si le mot « liberté » est un slogan facile à faire crier par 5000 ou 50000 personnes – et c’est de bonne guerre de la part des organisateurs de tels événements, la recherche de revendications concrètes montre un panorama très différent. Je suis en particulier frappé par la présence du personnel soignant, première victime de cette « liberté des envies », au premier rang de ces manifestations.
Et c’est là que la responsabilité d’un gouvernement est en cause : comment se fait-il après deux ans de pandémie que les infirmier.e.s soient toujours aussi mal considérés ? Comment se fait-il que le financement des soins de santé ne prenne toujours pas en compte des capacités d’accueil supérieures dans les hôpitaux ?
Pour paraphraser Eluard, la liberté, c’est le retour à la santé, la disparition du risque, l’insouciance retrouvée dans une normalité qui ne se fera qu’à travers des efforts collectifs. Ce qui est malheureux, c’est le manque de pédagogie dans la mise en place de ces efforts. C’est le tohu-bohu des mesurettes sans contrôle, ni sanction.
Une des revendications des manifestants est l’élargissement du groupe d’experts qui conseille le gouvernement. Je suis assez d’accord avec le principe. Un peu plus de cohérence dans le discours et la pensée directrice ne pourrait faire de tort. La question à un million d’euros étant : qui sont ces experts qui nous manquent ? Peut-être un philosophe de la liberté…
Et si on continuait la conversation…
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