Analyse : Baisse de la TVA sur l’énergie, une bonne affaire ?

La hausse très importante de la facture énergétique des ménages nous prépare une catastrophe sociale de plus. Les distributeurs deviennent nerveux devant le nombre croissant d’impayés, et surtout un nombre croissant de familles se trouvent devant un choix cruel en plein hiver : manger ou se chauffer…

Une baisse qui n’a d’effet qu’à court terme

Pour éviter une catastrophe sociale, il faudrait donc trouver un moyen de réduire la charge de l’énergie dans le budget des ménages. Et la solution qui semble pointer son nez est celle de la baisse du taux de TVA sur l’énergie de 21% à 6%. Hormis le fait que diminuer de 15% une facture qui a augmenté de près de 100% pour certaines familles ne va pas résoudre grand-chose pour elles, qu’en est-il de l’effet d’une telle baisse de taxes.

Prenons une famille (pas trop) imaginaire : la famille Faipachaud. Le revenu total de cette famille est de 2000,00 € par mois, et de ces 2000,00 €, 363,00 partent chaque mois pour les frais de gaz et d’électricité (pourquoi 363 ? d’une part, ce n’est pas un chiffre absurde dans l’absolu, et d’autre part, il correspond à 300,00 € + 21% de TVA).

Supposons que la TVA passe de 21% à 6%, cette famille va désormais payer 318,00 € par mois de facture énergétique. Mais comme le prix de l’énergie semble encore promis à la hausse au moins en 2022, cette “baisse” de frais de 45,00 € ne durera pas très longtemps… Et donc ne résoudra sans doute pas les problèmes de ce ménage à moyen terme.

Mais qui coûte à l’Etat (et donc à la solidarité)

Cette baisse de TVA signifie aussi que l’Etat va récolter 45,00 € de moins par mois de ce ménage (et de tous ceux qui sont dans le même cas).

Mais pas seulement, car la baisse de TVA affecte aussi les entreprises, avec là aussi des pertes de recettes (sans doute beaucoup plus importantes) pour l’Etat. Effaçons par contre l’intérêt “fiscal” des entreprises à une baisse de TVA : les entreprises récupèrent de toute manière la TVA qu’elles paient, la TVA est une taxe sur la consommation finale.

Quel bénéfice pour les entreprises ?

Par contre, la TVA entre dans le calcul de l’indice des prix à la consommation. C’est cet indice qui mesure l’inflation, la hausse des prix moyens en Belgique. Cette hausse entre décembre 2020 et décembre 2021 a été de 5,71% (alors qu’elle tournait autour de 2% il y a encore un an). Le prix de l’énergie représente 3,36 de ces 5,71%. Baisser la TVA de 21% à 6% reviendrait à faire passer la hausse du prix de l’énergie de 3,36 à 2,94, et les 5,71% d’inflation deviendraient 5,29%.

La conséquence immédiate serait une plus faible indexation des salaires, et donc une baisse du coût salarial pour les entreprises. En fait, la baisse de la TVA sur l’énergie a un effet “court terme” (jusqu’à ce que la hausse du prix de base atteigne à nouveau un niveau insupportable – s’il l’a quitté) pour les ménages, mais surtout un effet “éternel” au profit des entreprises (car le bénéfice de la non indexation se poursuit au delà de la période où cette non indexation se produit).

Par exemple, si une entreprise emploie 1000 personnes payées 2000,00 euros nets, son coût salarial approximatif sera de 3600,00 € par travailleur (sur base d’un taux de cotisation sociales pour l’employeur de 25% et d’un précompte également de 25%). La masse salariale de l’entreprise est donc de 3.600.000,00 € par mois. Une indexation diminuée de 0,42% (c’est ce que représente la baisse de TVA sur l’indexation) correspond donc à un “gain” de 15.120,00 € par mois, soit 181.440,00 € par an ! Voilà qui pourra partir tout droit dans la poche de l’actionnaire…

Les vrais gagnants, les vrais perdants…

Comme on le voit, les principaux gagnants d’une baisse de la TVA sur l’énergie, ce sont les entreprises. Le principal perdant c’est l’Etat qui perd des recettes fiscales et donc des moyens de renforcer la solidarité. Pour les ménages, c’est une “mini-bouée” qui permettra peut-être de respirer jusqu’à la prochaine vague d’augmentation…

Et si on continuait la conversation…

Que tu aies aimé ou détesté cet article, je t’invite à continuer la conversation. N’hésite pas à ajouter ton commentaire ci-dessous. Et bien sur, n’oublie pas de t’inscrire à la Bobo Newsletter, dans laquelle je promets de ne faire aucune démarche commerciale, juste te tenir au courant des articles publiés sur le blog et des discussions intéressantes en cours. Comme cet article qui explique ma résolution #1 pour 2022…

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2 comments

  1. L’État ne va pas perdre tout à fait 45 € par mois sur la baisse liée à ce ménage, car – étant donné les hausses antérieures du gaz et de l’électricité – ce qui rentre actuellement dans les caisses publiques a augmenté. Bref, pour l’État, ça devrait au bout du compte ne pas changer grand-chose par rapport à une situation « normale ».
    Le gain pour les entreprises liée à la non-indexation n’est pas « éternel ». Il disparaît dès que l’indexation aura lieu. Celle-ci est retardée, et donc oui, c’est pur profit pour les entreprises, mais pas éternel.
    Cela dit, on est bien d’accord sur l’analyse.

  2. Bonjour François-Marie et merci de votre réaction. Il ne faut pas perdre de vue que l’indexation ne se fait pas en continu. La variation des prix est un phénomène continu, et donc, pour le travailleur comme pour l’employeur, il y a toujours un décalage entre l’indexation du salaire (qui intervient lorsque l’indice pivot est atteint), et la variation réelle des prix (qui se mesure par l’intégrale de la variation sur la période et pas par la différence entre les prix en début et fin de période). Il y a donc toujours une perte de pouvoir d’achat pour le travailleur, et un profit implicite pour l’employeur (qui lui, augmente ses prix de manière indépendante de l’augmentation des salaires). De plus, en Belgique, la plupart des secteurs indexent sur base d’un indice pivot, ce qui veut dire que même au moment de l’indexation, l’ajustement ne se fait pas à la hauteur de la variation des prix. On va donc appliquer un pourcentage d’augmentation (correspondant à l’augmentation des prix entre le temps t et le temps t+1), sans correction de l’indice qui a été sauté. Mécaniquement, cela entraîne une prolongation du bénéfice pour l’entreprise.Je reconnais que le mot « éternel » est un peu polémique:-)
    Et pour ce qui est de la perte pour l’Etat, je suis d’accord qu’il faudrait parler d’un « manque à gagner », si ce n’est que ces hausses de recettes sont intégrées dans le calcul budgétaire, et qu’il faudra donc compenser soit par une autre taxation, soit par une réduction des dépenses publiques (de solidarité)…
    Les effets systémiques de ce genre de mesure sont difficiles à contrôler et beaucoup d’économistes se sont cassés les dents à tenter de les prédire.

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